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Coline Lasbats | Mars 2022

Persistance d'une révélation, 
Photographie noir et blanc, papier baryté, 150x100 cm, feux d’artifices

Persistance d'une révélation est une série de photographies argentiques en noir et blancs tirées du même négatif, celui de la prise de vue d'un champ de maïs. Au centre de l'image, on observe une trouée lumineuse qui vient bousculer l'espace longiligne des cultures. Les deux clichés présentés en diptyque montrent des images sédimentaires, où se mêlent plusieurs flux de contrastes noir et blanc, qui se propagent sur l'ensemble. Bien que l'on observe les mêmes silhouettes d'épis de maïs, les deux photographies sont différentes l'une de l'autre. Elles ont été réalisées avec un dispositif employant la lumière des feux d’artifice au moment de la révélation de l'image.
Par ce procédé, le principe de reproduction à l'identique entre deux photographies n'existe pas.

 

Effectivement les conditions de la révélation sont à chaque fois uniques dans la lumière fugace des feux d'artifice. Persistance d'une révélation met en avant cette singularité, de faire/ressentir une image. Elle convoque l'importance du moment de création, ou se rejoigne l'utilisation et la lecture d'une image photographique.

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Travailler un sujet est un jeu entre la matière et le vivant qu'il renferme. Les champs de maïs font pour moi partie de ces éléments organiques dont la seule présence nous renvoie à l'histoire agricole, écologique et économique d'un paysage rural. Avec cette série, le cycle des cultures vient rencontrer celui de la lumière. Elle invoque dans un même temps l'idée d'un recommencement ou d'un déjà vu avec le caractère unique de l’éphémère.
Il existe un écart de temps, d'action et de réflexion dans le travail photographique. Quand j'ai tiré mes images avec les feux d'artifice, l'étape postérieure avec le bain révélateur m'a fait vivre quelque chose d'étonnant. La lumière des feux d'artifice s'est réactivée en un instant, me renvoyant au moment ou je l'avais projetée très brièvement sur le papier photosensible. J'ai vécu un effet miroir, un instant traversant le temps. De cette idée j'ai été très curieuse de manipuler une lumière de cet acabit et ainsi voir comment les données sensibles et physiques pouvait s’inscrire dans l'image. Les lumières dynamiques des feux d'artifice échappent à l’œil humain dans leur instantanéité. Par extension le souvenir d'un feu d'artifice est aussi quelque chose de diffus, laissant plus des sensations que des images rationnelles... Il existe donc comme un potentiel à la fois visible et invisible de la répercussion de
cette lumière et l'assimilation que nous en faisons. La photographie s'exprime par la sensation que produit la lumière, à la fois comme élément d'enregistrement et comme sensibilité d'un cliché.


Dans Persistance d’une révélation je cherche à opérer une alchimie entre technique de tirage, inconstance de la révélation et rémanence de l'image.

 

Rémanence : persistance partielle d'un phénomène après disparition de sa cause.

Coline Lasbats, Mars 2022

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Dans son livre des passages, Walter Benjamin écrit :  “Une image, au contraire, est ce en quoi l'Autrefois rencontre le Maintenant dans un éclair pour former une constellation. En d'autres termes : l'image est la dialectique à l'arrêt.”

Nombreux sont les auteur.ice.s dont les travaux ont exploré le multivers que constitue une image photographique, tentant de sonder les fonds abyssaux de cette temporalité toute particulière. Dans la photographie : trois temps. La prise de vue (je me trompe alors que j’écris et note spontanément “prise de vie”...), le tirage et le travail de la chimie, puis enfin le temps de la vision, celui du spectateur. Dans la création d’un objet aujourd’hui aussi banal qu’une photographie se conjuguent trois moments dans un seul et même espace condensé en deux dimensions. Le “ça a été” Barthien révélé sur le papier par les feux d’artifice de Coline Lasbats semble toucher du doigt la fulgurance de ces temporalités multiples, voir même ouvrir la porte à d’autres survivances. La plasticité du processus et son déroulement, la radiation lumineuse à l’origine de la révélation, vient se projeter sur l’image d’un champ de maïs lui-même captation sensible d’un instant originel. Ces images de l’artiste Pyrénéenne nous entraînent dans le mouvement de révélations successives dont elle est bien plus le témoin que l’instigatrice. La photographie révèle ses différentes strates, se met à nu et se dissèque pour affirmer toute la plasticité de son procédé. A rebours d’une démarche de reproduction, deux réalisations uniques naissent d’une même captation. La lumière est, ici, seule décisionnaire de ce qui va émerger à la surface du papier. Coline Lasbats ne cherche pas à la dompter avec son appareil photo, ou dans l’obscurité de la chambre noire. De la lumière, elle se fait le médium, à l’image de ces hommes et de ces femmes qui traduisent la parole des fantômes. Elle est la main qui allume la mèche, presse le bouton, met en place les mécanismes des fulgurances, des éclairs ; ce qui naît après cela, elle le donne à nouveau à la lumière, celle de la vision de son spectateur. Coline Lasbats est une passeuse, avec ce diptyque elle vient effleurer la sensibilité d’une technique à laquelle elle choisit de laisser libre court pour toucher du doigt la légèreté révélatrice de ce qui se produit lorsque la technique opère (presque) toute seule.

Luci Garcia

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