
Rebecca Brueder | Novembre 2020
BRIQUOMERATS, 2020
briques, mortier, nylon, plastique, eau— 200kg, dimensions variables
« Briquomérat », est une installation qui s’inspire de la formation du Plastiglomérat, une pierre anthropocène qui résulte de l’union de nos déchets plastiques qui dérivent dans l’océan et de la formation géologique naturelle sous-marine. Comme la plupart des fois où la nature réagit à la trace humaine, le constat est paradoxal : l’océan est contraint de se réapproprier nos déchets pour la création d’amas géologique, on peut percevoir cela comme un bilan de la catastrophe écologique dont nous sommes les acteurs et à la fois cela démontre que la nature possède une capacité d’adaptation incroyable. Finalement, ce plastique une fois capturé dans la lave n’est plus une menace pour la vie aquatique. Évidemment il n’y a pas assez de plastiglomérats dans les océans pour capturer tous nos déchets flottants, mais je pense que l’on peut
tout de même y voir un espoir : la nature trouve toujours une solution.


Cette réinterprétation du Plastiglomérat se présente sous une forme d’installation comme une accumulation de sacs plastiques, remplis d’eau et pour certains d’eau accompagné d’un élément que je fabrique et que je nomme ‘’pierre’’. Tous ces sacs sont suspendus par des fils de pêche. Il y a une mise en tension du fil, seul soutien de cette pièce de 200 kg qui lévite et
révèle une force fragile qui menace de céder à chaque instant. Les collages hybrides qui emplissent certains sacs sont faits à partir de chutes de briques et de mortier dans lesquels se trouve un amas de plastique récupéré.
Tous les éléments plastiques de l’installation (sacs et fil), ne peuvent être utilisé que lors d’une seule monstration de la pièce à cause de l’étirement et la fragilité de la matière. Ces « déchets » générés par la pièce deviennent alors matière à créer les futurs cœurs de plastiques de mes prochains agglomérats.
C’est ce noyau qui permet, selon la densité de plastique qui s’y trouve, de faire flotter certaines pierres, créant une lévitation supplémentaire.
Plus « Briquomérats » va être montrée, plus son envergure et son poids vont augmenter, il est très possible qu’arrive un moment où son poids ne lui permettra plus d’être montrée suspendue. Et déjà se profile des moyens de monstration multiples. Cette pièce a été montrée tout cet été à Bordeaux dans la vitrine de XHC Minor Street où une structure a été créée pour permettre l’élévation de la pièce. Lorsque le lieu le permet comme au centre d’art la Halle à Pont-en-Royans la pièce est fixée directement au plafond, permettant une mise en hauteur vertigineuse. L’année passée je l’avais présentée avec le Frac d’Occitanie Montpellier dans un Présidial où les contraintes du lieu m’ont amené à montrer les pierres reposant dans des aquariums posés sur des grandes roches historiques sculptées du site.
Rebecca Brueder, octobre 2020

Le travail de Rebecca Brueder repose sur une persistance dans la création qui est à l'image de la grande Nature. Son oeuvre, élémentaire, s'ancre dans un paysage Pyrénéen qui m'évoque la région de haute montagne dans laquelle j'ai découvert son travail. De fait, c'est avec les déchets des humains que Brueder crée, comme la mer, comme la montagne, des écosystèmes nouveaux. Ainsi que la vie, qui persiste à refaire surface sans cesse, se lit au travers de cette pièce en croissance un acharnement créatif, une obstination dans la fabrication d'éléments singulièrement plastiques à partir de ce qui reste, à partir de ce qui est détruit.
Ici, à l'image de ces organismes qui fourmillent sur les "plastiglomérats", c'est notre imaginaire qui, grâce au support de l'oeuvre, pullule, croît et s'expand. Les Briquomérats opèrent un transfert de la Nature à l'Art, du réel au rêve, et se font le terrain fertile des germinations de notre empathie à l'égard du Vivant.
Luci Garcia