

Ivan Duval | Octobre 2022
Vélanimoscope, 2022
Structure zoomorphe à pédales déroulant une bande dessinée de 20m de long, Bois et métal, Environ L. 4m30 x l. 2m50 x h. 2m50, Démontable
Au règne animal et végétal, celui du vivant, vient s’ajouter le règne de l’objet, peut-être supérieur en quantité, certainement plus proche de nous au quotidien. Cependant, les objets en ont fini de subir nos bons vouloirs et nos humeurs. Ils revendiquent en cortège leur indépendance. Une vraie fanfare qui met nos villes à feu et à son !
Dans sa dérive, un clairon à roulettes, désemparé, cherche un auditoire attentif. Un(e) tromboniste muet(te), tiré(e) par des ficelles, n’a pour chaire que de fins fils de fer. Un étui à violon s’ouvre et révèle une cabane vivante qui se déploie.
Je situe ma pratique à la jonction des arts plastiques et des arts vivants. Je conçois des formes, des images et des objets que je manipule, j’active en direct et que j’articule de ma voix, de musique ou de bruitages. Entre machineries, animations stop-motion, marionnettes et autres installations, je raconte des histoires et j’essaye de donner vie aux objets pour qu’ils dévoilent leurs potentiels poétiques.
J’estompe ainsi la différence entre le vivant et la matière inerte. J’insuffle, grâce au mouvement et au son, ce petit rien nécéssaire pour susciter une empathie chez l'observateur. En ajoutant une paire de roulettes à un clairon, le voilà pourvu d’un atout qui le rend personnage, il n’y a plus qu’à presser le jus pour y goûter son histoire.
Je me place comme intermède pour traduire ou compléter le récit de l’objet, comme un conteur au service de machinerie à activer : la voix actée.

C’est le cas avec le Vélanimoscope, mutation d’un vélo à un géant insecte de métal et de bois à la silhouette de cheval. Le mécanisme du pédalier sert à faire dérouler une bande de dessin de 20m de long intégrée à la structure. Le tout, (environ L.4m30 x l.2m50 x h. 2m50) est démontable car pensé dans une logique d’itinérance.
Sur la bande dessinée existante, au noir, on voit une route qui bifurque, des vagues léchant la coque d’un navire et des envols d’oiseaux. Ma voix complète les images de mots parlant du lendemain, d’une quête d’horizon nouveau. Ceci dit, le rouleau peut être interchangeable (donc le récit différent), et 20m de toile vierge attende d’être maculée durant une performance prochaine ou je dessinerai tout en pédalant.
Cette pièce résume mon champ d’intervention qui se situe à la croisée des formes théâtrales, de monstrations de personnages poétiques, de contes musicaux murmurés à l’oreille, de scénographies mouvantes et de machineries au mouvement giratoire/rotatif qui m’est si cher.
Ivan Duval, Octobre 2022

“Quelle stratégie devons-nous adopter dans le corps à corps quotidien qui nous lie aux dispositifs ?” C’est l’interrogation que nous soumet Giorgio Agamben dans son Qu’est ce qu’un dispositif ?.
Le corps à corps, entre chair et œuvre, voilà ce que propose Ivan Duval avec le Vélanimoscope. C’est dans la symbiose des os qui s’ajoutent au bois, des dérailleurs animés par le flux vital des jambes, que se mettent en place les mécanismes d’une histoire plastique. La vie comme insufflée par un Pygmalion qui se serait greffé à Galatée, un être artistique total, hybride de sang, de bois, de métal, de chair et de papier.
L’artiste, après s’être issé sur cette structure énigmatique, effectue le geste, au départ banal, de pédaler pour créer une réaction en chaîne. Ce mouvement provoque le déroulement d’une bande dessinée (au sens littéral), toile d’une vingtaine de mètres sur laquelle défilent des paysages oniriques à la manière d’un simulateur de promenade artistique.
Le geste est créateur, voilà le postulat du Vélanimoscope : une impulsion neuronale, un frémissement musculaire, et l’art est là, dans toute sa fulgurante simplicité. La toile se déroule, le dessin se révèle sous l’impulsion de ce corps à l’oeuvre, de ce métissage étrange entre l’être humain et sa machine. Cette pièce d’Ivan Duval semble proposer une piste de réponse à la question d’Agamben, ou tout du moins vient en souligner un aspect : Dans le corps à corps quotidien qui nous lie au dispositif, entre corps et lien, suggérée par le geste de l’artiste avec son objet/monstre : une fusion.
Luci Garcia